22
Errance

 

 

L’épée transperça le gobelin si vite qu’il n’eut même pas le temps de crier. Il bascula en avant, mort avant même de toucher le sol. Zaknafein marcha sur son cadavre et se dirigea vers la sortie de la caverne qui n’était plus très loin.

Un groupe d’illithids lui barra le chemin. Il grogna et continua à avancer sans ralentir. Drizzt était passé par cette sortie, il emprunterait la même, quoi qu’il en coûte.

Tous ceux qui croiseraient son chemin tomberaient sous ses lames.

— Laissez-le passer ! Vous ne pouvez pas gagner ! Laissez-le partir !

Ces avertissements télépathiques fusaient de toutes parts, envoyés par les autres flagelleurs qui avaient vu l’esprit-fantôme en action. Celui-ci avait déjà tué plus d’une dizaine des leurs.

Les nouveaux venus comprirent l’avertissement et tous s’écartèrent à l’exception de l’un d’entre eux.

Les illithids fondaient leur existence sur un pragmatisme issu d’un vaste savoir collectif. Ils considéraient les émotions primaires, telles que la fierté, comme des faiblesses fatales. Le bien-fondé de cette croyance allait encore se vérifier.

Le flagelleur lança son attaque sur l’esprit-fantôme, déterminé à ne plus laisser personne s’échapper.

L’instant d’après, il tombait sous l’épée de Zaknafein, qui reprit sa route dans l’Outreterre.

Plus aucun illithid ne tenta de s’interposer.

Zaknafein s’accroupit afin de choisir son chemin avec précaution. Drizzt était passé par là ; la piste était encore fraîche. Tout au long de sa traque, il allait devoir faire de nombreux arrêts à la recherche d’indices, et ne serait donc pas aussi rapide que Drizzt.

Mais, contrairement à ce dernier, lui n’avait pas besoin de repos.

 

 

— Ne bougez plus !

Le ton de Belwar interdisait toute contestation.

Drizzt et Caqueteur se figèrent, se demandant ce qui avait bien pu déclencher cette alerte soudaine.

Le gnome s’approcha de la paroi et y colla son oreille.

— Des bruits de bottes. Dans un tunnel parallèle, chuchota-t-il.

L’elfe avança et imita son ami. Bien que ses sens soient plus affûtés qu’à la normale, il ne ressentait toujours pas les vibrations de la pierre.

— Combien sont-ils ?

— Pas beaucoup, répondit Belwar, mais son haussement d’épaules indiquait qu’il s’agissait juste d’une vague estimation.

— Ils sont sept, intervint Caqueteur. Ce sont des duergars – des nains gris – qui fuient les illithids, comme nous.

— Est-ce que les tunnels se croisent ? demanda le svirfnebelin. Est-il possible de les éviter ?

Caqueteur interrogea la pierre.

— Les tunnels se rejoignent un peu plus loin pour ne plus en former qu’un seul.

— Si nous attendons un peu ici, ils passeront avant nous, raisonna le maître-terrassier.

Drizzt n’était pas d’accord avec la stratégie de son ami.

— Nous fuyons le même ennemi, remarqua-t-il. Peut-être pourrions-nous faire d’eux des alliés ?

— S’il est vrai qu’il arrive aux duergars de s’associer aux drows, il est loin d’en être de même avec les svirfnebelins, lui rappela Belwar. Et je ne parle même pas des porte-crocs.

— La situation dans laquelle nous sommes est loin d’être habituelle, argumenta le drow. S’ils fuient les illithids, ils sont sûrement mal équipés et sans armes. Ils seront peut-être enclins à accepter une telle alliance, pour le bien de tous.

— Je ne pense pas qu’ils seront aussi amicaux que tu le crois, poursuivit le gnome avec une pointe de sarcasme dans la voix. Mais je concède que le boyau étroit dans lequel nous sommes est plus adapté à la morphologie des nains gris qu’à la tienne ou à celle de Caqueteur ; en outre, s’ils décident de tourner à l’embranchement et de venir dans notre direction, ils auront l’avantage.

— Alors allons à leur rencontre et voyons ce qui se passe, dit Drizzt.

Les trois compagnons débouchèrent dans une petite grotte ovale. Le tunnel où se trouvaient les duergars était juste à côté du leur, et un troisième partait du fond de la grotte. Ils s’y dissimulèrent tandis que les bruits de bottes se rapprochaient.

Quelques instants après, sept nains gris apparurent, hagards mais armés. Trois d’entre eux possédaient des massues, un autre tenait une dague, deux autres encore avaient des épées et un dernier portait deux grosses pierres.

Drizzt sortit seul de l’obscurité ; en tant que drow, il pensait pouvoir plus facilement conclure une alliance avec les duergars. Ces derniers furent surpris par son apparition soudaine et s’organisèrent tant bien que mal en une formation défensive. Ils brandirent leurs armes, le nain aux pierres prêt à lancer un premier projectile.

— Salutations, duergars, commença l’elfe en espérant qu’ils connaissaient suffisamment le drow pour le comprendre.

Il gardait ses mains près de ses cimeterres au cas où la rencontre tournerait mal.

— Qui es toi ? demanda l’un des porteurs d’épée dans un drow hésitant mais compréhensible.

— Un rescapé, comme vous, qui fuit les cruels illithids.

— Alors toi sais que nous pressés, lança le duergar d’un ton hargneux. Laisse passer nous.

— Je vous propose une alliance. Notre nombre sera un atout si jamais les illithids se rapprochent.

— Sept valent huit, répondit l’entêté.

Derrière lui, le lanceur de pierres agita son bras d’un air menaçant.

— Mais dix valent mieux que sept, reprit Drizzt calmement.

— Toi as des amis ? D’autres drows ? s’enquit son interlocuteur soudain moins agressif.

Il jetait autour de lui des regards inquiets, craignant une embuscade.

— Pas vraiment.

— J’ai vu lui ! Lui enfui avec monstre à bec et svirfnebelin ! cria un autre membre du groupe, sans laisser le temps à Drizzt de s’expliquer.

— Gnome des profondeurs (il cracha au pied de Drizzt), pas ami des duergars ni des drows !

Drizzt aurait préféré en rester là ; puisque l’alliance n’était pas possible, que chacun reprenne son chemin. Mais la réputation de crétins belliqueux qui circulait dans l’Outreterre au sujet des duergars n’était malheureusement pas usurpée. Pourtant, avec les flagelleurs à leurs trousses, ils n’avaient vraiment pas besoin de se faire de nouveaux ennemis.

Une pierre siffla près de la tête de l’elfe. Celui-ci la dévia à l’aide de son cimeterre.

— Bivrip ! prononça une voix tapie dans l’obscurité.

Belwar et Caqueteur surgirent, pas le moins du monde surpris par la tournure des événements.

À l’Académie, Drizzt, comme chaque elfe noir, avait passé des mois à étudier les tactiques et les ruses des nains gris. Il put ainsi anticiper la réaction de ses adversaires et les auréola de flammèches pourpres inoffensives.

Presque au même moment, trois duergars disparurent, utilisant leur faculté innée à se rendre invisibles. Mais les flammèches étaient toujours là, indiquant clairement la position de chacun d’eux.

Un autre caillou fendit l’air et heurta la poitrine de Caqueteur. Il aurait souri de cette misérable tentative si son bec le lui avait permis. Il chargea ses ennemis.

Le lanceur de pierres et celui qui tenait la dague s’écartèrent de son chemin, car leurs armes étaient inefficaces contre un tel monstre. D’autres adversaires restant à neutraliser, le porte-crocs les laissa filer. Les deux fuyards se rapprochèrent alors de Belwar, pensant qu’il était le plus faible du trio.

La main-pioche stoppa net leur attaque. Le duergar désarmé se précipita en avant, essayant d’attraper le bras du gnome pour empêcher une nouvelle attaque, mais Belwar avait anticipé le coup et sa main-marteau atteignit son assaillant en plein visage. Sous l’impact, des os se brisèrent et des étincelles jaillirent, brûlant la peau grise du nain. Celui-ci s’effondra, se tordant de douleur, son visage ravagé entre les mains.

Le porteur de dague n’était plus aussi impatient d’attaquer.

Deux duergars invisibles s’approchèrent de Drizzt ; les auréoles pourpres qui dansaient au-dessus de leur tête donnaient à l’elfe une idée générale de leurs mouvements. Il savait qu’il avait affaire aux épéistes, mais il n’en restait pas moins désavantagé car il ne pouvait voir ni leurs attaques ni leurs feintes. Il recula pour mettre de la distance entre lui et ses assaillants.

Il sentit une attaque et mit son cimeterre en position défensive ; il sourit de sa chance quand il entendit les lames s’entrechoquer. Le nain gris apparut juste un instant, un sourire mauvais sur les lèvres.

— Combien d’attaques toi penses peux bloquer ? le railla l’autre duergar invisible.

— Plus que tu l’imagines, répondit l’elfe, souriant à son tour.

Utilisant ses pouvoirs, il fit s’abattre une sphère de ténèbres sur ses assaillants et lui, privant ainsi les premiers de leur avantage.

Dans l’âpreté de la bataille, Caqueteur fut pris d’assaut par les instincts du porte-crocs. Le géant ne comprenait pas pourquoi des flammèches pourpres voletaient dans un coin. Il chargea les deux derniers duergars visibles.

Dans sa course, une massue s’abattit sur son genou et le troisième nain invisible gloussa. Les deux autres commençaient aussi à disparaître, mais le porte-crocs n’y prêtait plus aucune attention. Il reçut un nouveau coup à la cuisse.

Contrôlé par les instincts d’une race qui n’était pas connue pour sa finesse, Caqueteur hurla et plongea en avant, essayant d’écraser les flammèches pourpres sous son torse massif. Il se redressa et se relaissa tomber plusieurs fois jusqu’à ce qu’il soit sûr que son ennemi invisible était mort, écrasé sous son immense carcasse.

C’est alors qu’une pluie de coups de massue s’abattit sur sa tête.

Le duergar à la dague n’était pas un novice, ses attaques étaient réfléchies ; il forçait Belwar, qui avait les armes les plus lourdes, à prendre l’initiative. Leur haine réciproque était profonde, mais le svirfnebelin n’était pas un imbécile ; il utilisait seulement sa main-pioche pour tenir son ennemi à distance, gardant sa main-marteau prête à frapper.

Les deux adversaires s’observèrent pendant un long moment, chacun attendant que l’autre commette la première erreur. Le cri de douleur du porte-crocs et la disparition de Drizzt obligèrent le gnome à engager le combat. Il trébucha, feignant une chute, et plongea vers son adversaire, sa main-marteau en avant tandis que sa main-pioche restait en dessous.

Le duergar comprit le stratagème mais il ne pouvait passer à côté de cette ouverture. La dague passa par-dessus la main-pioche en direction de la gorge de Belwar.

Le maître-terrassier bascula en arrière, donnant au passage un coup de pied dans le menton de son adversaire. Ce dernier ne fut guère ralenti dans son élan et plongea sur le gnome à terre, sa dague en avant.

Belwar para le coup avec sa main-pioche quelques secondes avant que la dague se fiche dans sa gorge. Il voulut écarter le bras du nain, mais celui-ci jouait de tout son poids pour l’en empêcher. Leurs visages se retrouvèrent à quelques centimètres l’un de l’autre.

— J’t’ai eu ! cria le duergar.

— Prends ça ! répondit Belwar.

Il dégagea suffisamment sa main-marteau pour frapper son assaillant au niveau des côtes. Le duergar lui assena un coup de tête dont le gnome se vengea en lui mordant le nez. Ils roulèrent l’un sur l’autre, crachant et grognant, utilisant toutes les armes qu’ils pouvaient trouver.

Au son des cliquetis des épées, on aurait juré qu’une dizaine d’individus se battaient dans la sphère de ténèbres. Cette cadence frénétique était l’œuvre de Drizzt. Dans une telle situation – un combat à l’aveugle –, la meilleure tactique était selon lui de maintenir les lames ennemies le plus loin possible. L’activité incessante de ses cimeterres faisait reculer les deux nains gris.

Il s’appliquait à maintenir ses deux ennemis en face de lui, un au bout de chaque bras. Si l’un d’entre eux parvenait à passer sur le flanc, c’en serait fini du drow.

Chaque fois qu’une de ses lames s’entrechoquait avec celles de ses adversaires, il en apprenait un peu plus sur leur technique et leur stratégie. En Outreterre, il avait combattu de cette façon à de nombreuses reprises, y compris contre le basilic.

Dépassés par la rapidité des attaques du drow, les duergars tentaient de riposter tant bien que mal en espérant qu’aucun cimeterre ne passerait au travers de leur défense.

La bataille faisait rage quand un bruit se fit entendre que Drizzt avait longtemps attendu – le son d’un cimeterre coupant la chair. Une épée tomba au sol et son propriétaire commit l’erreur fatale de pousser un cri de douleur.

Le chasseur reprit alors le contrôle de l’esprit du drow. Concentré sur le cri, il plongea son cimeterre en direction de sa source ; l’arme fracassa les dents du nain gris et termina sa course à l’arrière de son crâne.

Drizzt se tourna, furieux, vers le duergar restant. Il faisait tournoyer ses lames devant lui et porta soudain un coup trop rapide pour être contré qui transperça l’épaule de son adversaire.

— Je me rends ! Je me rends ! Pitié, drow ! cria le nain gris en laissant tomber son arme. (Il ne voulait pas subir le même sort funeste que son compagnon.)

Ses paroles firent remonter Drizzt Do’Urden à la surface.

— J’accepte ta reddition.

Il se rapprocha de son adversaire, plaça la pointe de son cimeterre sur la poitrine de ce dernier, et ils sortirent ensemble de la zone de ténèbres.

La douleur vrillait le crâne de Caqueteur ; à chaque nouveau coup, il pensait que son cerveau allait exploser. Il poussa un grognement animal, se releva et fit face à ses nouveaux ennemis.

Il fut de nouveau frappé par une massue, mais il ne sentait plus rien. Une serre puissante s’abattit sur l’auréole pourpre et défonça le crâne invisible qui se trouvait en dessous. Le nain gris réapparut soudain, sa capacité à se concentrer – et donc à maintenir son invisibilité – l’ayant abandonné en même temps que la vie.

L’autre voulut s’enfuir mais le porte-crocs fut le plus rapide. Il l’attrapa dans ses serres, le souleva dans les airs en émettant un cri perçant, tel un oiseau fou, puis le fracassa de toutes ses forces contre la paroi. Le corps sans vie du duergar réapparut, complètement désarticulé, au pied du mur.

Le porte-crocs se retrouvait sans personne à combattre, mais sa soif de sang était loin d’être étanchée. C’est à cet instant que Drizzt et son prisonnier émergèrent des ténèbres ; le géant se précipita sur eux.

Drizzt, qui était concentré sur le combat de Belwar, ne prit conscience des intentions de Caqueteur que lorsque son prisonnier hurla de terreur.

Mais il était trop tard.

La tête du duergar volait déjà en direction de la sphère d’obscurité.

— Caqueteur ! protesta l’elfe.

Il eut juste le temps d’esquiver la serre qui fonçait sur lui puis il plongea dans l’obscurité pour se cacher.

Le porte-crocs ne le suivit pas car il venait de repérer de nouvelles proies. Belwar et le porteur de dague, trop absorbés par leur affrontement, ne se rendirent pas compte qu’un monstre fou furieux se rapprochait d’eux. Le géant se baissa, ramassa les deux adversaires et les projeta en l’air. Le nain gris eut la malchance de retomber le premier, et le porte-crocs lui décocha un coup qui lui fit traverser la grotte. Belwar était sur le point de connaître le même sort quand deux cimeterres croisés bloquèrent le coup.

La force du porte-crocs fit glisser le drow sur plusieurs dizaines de centimètres. Belwar s’écrasa au sol, et il lui fallut un long moment pour recouvrer ses esprits.

— Caqueteur ! hurla de nouveau Drizzt alors que le porte-crocs tentait d’aplatir le svirfnebelin sous l’un de ses pieds gigantesques.

Usant de toute la rapidité et de toute l’agilité dont il était capable, l’elfe contourna le monstre pour se retrouver derrière lui et le frappa au genou, comme il l’avait fait lors de leur première rencontre. Un pied au-dessus du svirfnebelin, Caqueteur était déjà en équilibre précaire, et Drizzt put facilement le faire tomber. En un clin d’œil, il grimpa sur la poitrine du monstre et glissa la pointe de son cimeterre entre les plaques osseuses situées à la base de son cou.

Le drow esquiva un coup du monstre qui tentait maladroitement de se défendre. Il haïssait ce qu’il s’apprêtait à faire. Soudain, le porte-crocs se calma et lui lança un regard serein.

— F… F… Fais-le, le supplia-t-il.

Drizzt, horrifié, chercha du soutien auprès de Belwar, mais celui-ci détourna la tête.

— Caqueteur ? Est-ce que tu es redevenu toi-même ?

Le monstre hésita puis hocha légèrement la tête.

Drizzt descendit de son perchoir et regarda les cadavres qui jonchaient la grotte.

— Partons, dit-il.

Caqueteur resta prostré un moment, considérant les sombres implications de cette rémission. La fin du combat lui avait permis de reprendre le contrôle du porte-crocs. Mais il savait qu’à la première occasion ses instincts meurtriers referaient surface. Combien de fois pourrait-il encore s’y opposer ?

Il cogna la paroi avec une telle force que celle-ci se lézarda jusqu’au sol. Il eut beaucoup de mal à se remettre debout. N’osant pas croiser le regard de ses amis, il disparut rapidement dans le tunnel. À chacun de ses pas, le cœur de Drizzt se serrait un peu plus.

— Peut-être aurait-il mieux valu en finir…, suggéra Belwar en se rapprochant de l’elfe.

— Il m’a sauvé la vie dans la caverne des illithids, rétorqua Drizzt d’un ton sec, et il a toujours été un ami loyal.

— Il a essayé de nous tuer tous les deux ! Magga cammara !

— Tu me demandes de le tuer ? demanda Drizzt en attrapant l’épaule du gnome. Mais je suis son ami !

— Eh bien alors agis comme tel ! répondit le svirfnebelin en se dégageant de son emprise.

Il s’apprêtait à emprunter le même tunnel que Caqueteur lorsque Drizzt le saisit de nouveau par l’épaule et lui fit faire volte-face.

— Cela va aller en empirant, elfe noir, reprit le gnome. Chaque jour qui passe, l’emprise du sort du magicien se fait de plus en plus forte. Caqueteur essaiera encore de nous tuer, je le crains. Et s’il y arrive, cela le détruira encore plus sûrement que tes armes le pourraient !

— Je ne peux pas le tuer et toi non plus.

— Alors nous devons le laisser libre. Libre de vivre sa vie de porte-crocs dans l’Outreterre. Car c’est ce qu’il deviendra irrémédiablement, de corps et d’âme.

— Non, nous ne l’abandonnerons pas. Nous sommes ses amis, nous devons l’aider.

— Le sorcier est mort, dois-je te le rappeler ? dit Belwar en se dirigeant de nouveau vers le tunnel.

— Il existe d’autres sorciers, murmura l’elfe.

Cette fois-ci, il laissa le gnome poursuivre sa route et remit ses cimeterres dans leur fourreau. Il savait ce qui lui restait à faire.

Il y avait en effet d’autres sorciers dans l’Outreterre, mais les chances d’en rencontrer étaient minces. Il serait encore plus difficile d’en trouver un qui soit capable d’annuler le sort qui avait transformé Caqueteur. Mais l’elfe savait où chercher.

À chaque pas qu’il faisait aux côtés de ses compagnons, la pensée de retourner sur sa terre natale le hantait. Compte tenu de ce qu’avait déclenché sa décision de quitter Menzoberranzan, il ne voulait plus jamais remettre les pieds dans ce monde obscur qui l’avait tant maudit.

Mais s’il décidait de ne pas y retourner, alors il assisterait, impuissant, à la lente transformation de son ami en porte-crocs. Belwar avait même suggéré d’abandonner Caqueteur, étant donné ce qui les attendait lorsque le processus arriverait à son terme.

Mais s’ils le faisaient, Drizzt resterait à jamais hanté par l’image du pech, seul dans l’Outreterre.

Revoir Menzoberranzan et son peuple était la dernière chose au monde qu’il souhaitait faire – plutôt mourir. Mais les choses n’étaient pas si simples. Il avait fondé sa vie sur des principes et il devait leur rester fidèle. Il lui fallait donc penser au bien-être de Caqueteur avant toutes choses, même si, pour cela, l’elfe noir devait aller à l’encontre de ses désirs les plus profonds.

Plus tard, quand ils bivouaquèrent, Belwar devina le conflit intérieur qui tourmentait son ami. Laissant Caqueteur qui martelait le mur, il se rapprocha du drow.

— À quoi penses-tu, elfe noir ?

— Ma ville natale s’enorgueillit de son école de sorcellerie, répondit-il, déterminé.

Au début, le maître-terrassier ne comprit pas où son ami voulait en venir, mais quand il le vit regarder Caqueteur, tout s’éclaira.

— Menzoberranzan ? Tu veux y retourner en espérant qu’un sorcier elfe veuille bien s’occuper de notre ami ? s’écria-t-il.

— C’est la seule chance qui reste à Caqueteur.

— Autant dire qu’il n’en a plus aucune, rugit le svirfnebelin. Tu crois que Menzoberranzan va t’accueillir à bras ouverts ?

— Je comprends ton pessimisme. Les elfes noirs ne connaissent pas la pitié, je suis d’accord. Mais il reste d’autres options.

— Tu es pourchassé, intervint le gnome en espérant que cette simple remarque ferait reprendre ses esprits à son ami.

— Seulement par Matrone Malice. Menzoberranzan est vaste, et je n’ai aucunement l’intention de croiser des membres de ma famille, qui sont les seuls à être loyaux envers ma mère.

— Et que pourrait-on bien offrir en échange d’un tel service ? Que possédons-nous qui pourrait avoir de la valeur aux yeux d’un sorcier elfe de Menzoberranzan ?

Drizzt commença à jouer avec son cimeterre et une lueur familière passa dans les yeux lavande du drow.

— Sa propre vie.

Cette réponse laissa le svirfnebelin bouche bée.

Terre d'Exil
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